Il y a quelques semaines, plusieurs coachs d’origines différentes m’ont demandé ce que je pouvais leur proposer pour les aider à développer et appliquer l’Elément Humain dans des interventions de coaching d’équipe ou d’organisation.
J’ai expliqué à ces confrères que, de mon point de vue, la meilleure réponse que je pouvais apporter à leur demande était d’ouvrir un nouveau groupe mensuel de supervision centré sur ces pratiques.
D’abord parce que l’apprentissage de l’accompagnement des équipes et des organisations tout comme l’application de l’Elément Humain à ces pratiques ne peuvent se faire que dans la durée et par l’expérience. Car ce sont plusieurs cycles faits d’expérimentations (c’est-à-dire de confrontations au réel), de prises de recul, d’ouvertures et de conscientisations qui vont permettre la transformation personnelle indispensable à cet apprentissage.
Ensuite parce que cette demande rencontrait un projet que je porte déjà depuis longtemps, celui de superviser des confrères plus spécifiquement sur des missions centrées sur les aspects collectifs : groupe, équipe ou organisation. Comme le groupe mensuel de supervision que je propose aujourd’hui recouvre ces pratiques mais fait aussi une large part aux activités et à l’entrainement au coaching individuel, cela devait nécessairement se faire dans un nouveau groupe.
Ces confrères ayant répondu favorablement à cette proposition, je me suis mis à réfléchir de façon plus précise et plus concrète à ce que j’allais proposer. Une fois mises par écrit les grandes orientations[1] du projet que je portais depuis longtemps et quelques idées de processus en rapport à ces orientations, je me suis retrouvé en manque d’inspiration. Avec le temps, j’ai constaté que lorsque je me retrouve dans cette situation ou « plus rien ne vient » (exemple : lorsqu’il faut faire une proposition à un client ou préparer une réunion), ce n’est pas tant que je suis envahi par une grosse flemme (on ne sait jamais) mais plutôt qu’il manque quelque chose en provenance du client pour aller plus loin dans l’élaboration. Je me suis donc arrêté et je me suis questionné sur ce qu’il manquait. C’était d’autant plus étrange que lorsque j’avais élaboré le dispositif pour mon premier groupe de supervision, il y a déjà quelques années, je n‘avais pas du tout vécu ça. Au bout d’un moment d’écoute intérieure, j’ai réalisé que cette coupure d’inspiration venait du fait que je n’étais pas seul à porter la paternité de ce groupe (ce qui n’était pas le cas de mon 1er groupe de supervision). Que cette création était aussi issue du désir, du mouvement créateur intérieur des personnes qui m’avaient fait la demande et que pour accoucher de ce projet, il était nécessaire d’avoir leur « matière », leur vision, la graine qui s’était manifestée à travers l’expression de leur demande.
Dans le même ordre d’idée, j’ai déjeuné récemment avec une consœur consultante et présidente d’un cabinet de 150 consultants qui me rappelait combien avait été douloureux les débuts de son cabinet, il y a une douzaine d’année. Me souvenant de cette période où elle intervenait à mes côtés sur un de mes chantiers de coaching d’organisation et de ce qu’elle me disait à cette époque de ce qu’elle vivait avec ses associés, je lui ai dit que je trouvais bien normal que cela ait été si difficile compte tenu de leur histoire. En effet, cette structure avait d’abord été créée par un associé unique puis, un an plus tard, 3 autres associés l’avaient rejoint. Or le changement qui avait été douloureux pour cette consœur s’était soldé par le départ de l’associé fondateur. Ce qui pour moi relevait d’un véritable basculement de paternité. Pour réaliser ce passage, il fallait à la fois ré-enfanter l’entreprise et à la fois gérer le renoncement de l’associé fondateur et la culpabilité potentielle des autres associés issue de leur sentiment d’être comme un coucou qui dépossède un partenaire de son bien.
Fort de cette prise de conscience sur la paternité de ce projet de groupe de supervision, j’ai contacté les quelques personnes à l’origine de la demande et d’autres qui les avaient rejointes. Je leur ai expliqué ma vision de la situation et proposé de se réunir en vue de recueillir leurs aspirations vis-à-vis de ce groupe de supervision et de leur présenter ce que je souhaitais en faire. J’ajoute que je visais aussi de mettre en place une sorte de moment fondateur qui soit un moment de dynamique de groupe. La finalité étant liée à la pratique du coaching de collectifs (équipe ou organisation), cela me semblait bien ajusté.
Cette réunion a été la touche finale de ce processus de gestation et a montré de nouveau que je n’étais pas seul « propriétaire » de ce groupe de supervision. Cette situation m’a rappelé, des propos de Charles Rojzman que j’avais entendu il y a quelques années au sein du groupe de supervision (justement !) qu’il proposait et auquel je participais. Ces propos qui m’avaient beaucoup inspiré disaient en substance : « lorsque nous avons du pouvoir sur un groupe et que nous n’acceptons pas que le groupe en ait sur nous, cela relève de la domination ».
Cette façon de voir sa posture avec un groupe « accepter qu’il ait du pouvoir sur moi en tant que facilitateur » m’avait renvoyé à ce que j’appréciais dans l’Elément Humain et à ce que j’avais goûté dans les expériences de groupe vécues auprès de Will Schutz. D’ailleurs, à cette époque mon choix du groupe de supervision de Charles Rojzman venait directement de la proximité que je ressentais entre sa pratique et l’approche L’Elément Humain. Des racines Rogériennes communes probablement.
Pour revenir à cette réunion finale de gestation, tout s’est déroulé dans la simplicité et dans une certaine harmonie.
J’ai invité chacun à se présenter et à exprimer ce qu’il recherchait dans ce futur espace de supervision puis le groupe a élaboré les finalités sur lesquelles tous convergeaient.
J’ai ensuite présenté ma vision de ce groupe, les orientations que je désirais lui donner.
Mais le clou de cette réunion a eu lieu juste avant de se séparer.
Comme certains participants n’étaient pas disponibles pour démarrer tout de suite et que le nombre de participants n’était pas assez grand pour commencer sans eux, j’avais défini le mois de septembre comme horizon de temps pour le lancement officiel. Soucieux que cet horizon temps soit suffisamment contenant, j’ai proposé, juste avant de clore la réunion, que nous prenions une date précise en septembre. Et c’est là que tout a basculé !
Dans un mouvement plutôt indolent du groupe, nous avons pris cette date. Et c’est comme si la prise de cette date avait donné une impulsion pour le pas suivant : prendre aussi une date sur le mois d’octobre. C’est ce qu’a proposé une des coachs sans doute stimulée par la dynamique du groupe vécue et désireuse d’en faire une expérience plus large dans le cadre de ce projet. Nous nous sommes tous remis à nos agendas et avons pris cette date ….. avant de décider de prendre aussi celles de novembre et de décembre : le nouveau groupe de supervision venait d’être inscrit dans la matière, il était né !
[1] Un espace pour :
– s’exprimer, être en lien, évacuer son stress et apporter au monde son génie propre,
– trouver du soutien et des solutions aux situations difficiles rencontrées dans l’exercice de son métier d’accompagnant de groupe et d’organisation,
– s’entrainer à l’accompagnement de groupe,
– vivre une vie de groupe facteur à la fois de développement et de ressourcementProcessus de gestation d’un nouveau groupe de supervision